The road home

Je ne sais pas si ce sujet va intéresser grand monde, mais comme c’est quelque chose qui me tient à coeur, j’avais quand même envie de vous en parler.

The road home est un court-métrage réalisé par Rahul Gandotra en 2012. Il raconte l’histoire d’un jeune garçon anglais et d’origine indienne appelé Pico. Alors qu’il a grandi en Angleterre, son père l’envoie à l’école, en Inde, où il se sent très différent des autres… ce que ses camarades indiens ne comprennent pas: pour eux, Pico est un Indien comme les autres.

Un copain Indien m’a envoyée le lien de la vidéo en début de semaine, en me disant que l’histoire de Pico lui faisait penser à moi et à ma vision des choses. Ce n’est pas la première fois que j’en parle ici, je suis d’origine indienne. Mes deux parents sont nés en Inde et sont arrivés en France dans les années 1980. Du coup, je suis née et j’ai grandi en France, mais j’ai toujours eu le sentiment d’avoir le cul coincé entre deux cultures. Disons que je me sens Française à 90% et que les 10% restant ressortent quand j’ai un dîner de famille et que je prends plaisir à enfiler un vêtement indien, à manger indien et à (tenter de) converser avec ma grand-mère en tamoul. Le truc, c’est que quand je me sens Française à 90%, il y a toujours quelque chose qui me renvoie en pleine face le fait que je sois Indienne. Je ne dis pas que c’est une insulte, je suis plutôt fière de mes « origines », même si je ne vois pas en quoi je dois être « fière ». Mais parfois je préférerais parler de fromage de chèvre et du Louvre plutôt que de devoir répondre à ces éternelles questions sur le bindi, les castes ou les naans au fromage (questions pour lesquelles je n’ai pas de réponses).

En Allemagne, c’était toujours un peu compliqué quand je devais me présenter aux autres étudiants « internationaux », parce que bien souvent « I’m from France », ne suffisait pas. J’avais le droit à des « oh, ok, ’cause you look… Indian », et là, il fallait que je raconte ma vie pour leur dire que oui, oui, j’ai des origines indiennes, mais je suis Française. Un jour j’ai même dit « I know I look Indian, but I’m French ». Et souvent, pour « rire », je disais à mes amis Indiens, « I’m not Indian, I’m just brown ». Parfois je suis agacée quand on me « force » à être 100% indienne, car c’est quelque chose que je ne pourrais jamais être. Non pas parce que j’adore le fromage et le pain, mais parce que j’ai grandi en France et que la culture indienne n’était pas du tout présente là où j’ai passé le plus clair de mon temps et là où j’ai finalement construit mon identité, c’est-à-dire à l’école.

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Pico fait partie de cette génération appelée « third culture kids » qui caractérise les enfants qui grandissent dans un pays différent de celui dont leurs parents sont originaires et qui finissent par être confrontés aux différences culturelles de ces deux pays. Je ne sais pas si je fais totalement partie de cette « culture » sachant que je n’ai pas eu besoin de retourner en Inde pour faire face à ces problèmes d’identité, mais j’ai bien aimé me reconnaître en Pico et voir que je ne suis pas la seule à « refouler » mes origines (sans pour autant en avoir honte)… J’ai encore tellement de choses à dire sur ce sujet. Si j’en parle volontier à des amis (Indiens ou non), je n’ose cependant pas en parler à ma famille, de peur qu’elle se sente offensée…

Si la vidéo YouTube vous a intrigués et si vous vous demandez si Pico va finalement réussir à rentrer chez lui, sachez que vous pouvez avoir accès au court-métrage entier (il dure 22 minutes) et gratuitement en cliquant ici. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous en avez pensé :)